En 2011, Philippe Quénel, docteur en épidémiologie, révèle de récentes études montrant une relation entre exposition au chlordécone, insecticide autrefois utilisé dans les bananeraies en Guadeloupe et Martinique, et la survenue du cancer de la prostate. En outre, ce perturbateur endocrinien contamine les sols, les eaux et certains aliments d’origine végétale ou animale affectés par l’insecticide. De plus, le CIRC, Centre international de recherche sur le cancer a classé le chlordécone comme cancérogène possible pour l’homme. Un monde contaminé, pollué par ces substances qui pourrissent la santé humaine, tel demeure le monde dans lequel nous vivons. Tel apparaît l’avenir qui se dessine actuellement pour nos générations futures.
Une sombre histoire
L’organisation mondiale de la santé a défini les perturbateurs endocriniens en 2002 comme « une substance exogène ou un mélange qui altère la/les fonction(s) du système endocrinien et, par voie de conséquence, cause un effet délétère sur la santé d’un individu, sa descendance ou des sous-populations. »
En effet, l’histoire de ces molécules chimiques commence avec le diéthylstilbestrol ou DES, une hormone de synthèse prescrite aux femmes en France dès 1950 pendant leur grossesse pour prévenir les fausses couches. Puis, en avril 1970, le chercheur Arthur Herbst révèle une recrudescence de 6 cas de cancer du vagin à cellules claires (ACC) chez des jeunes filles âgées de 15 à 22 ans. Un lien de causalité se trouve dès lors établi entre ces cancers et une utilisation in utero du DES durant la grossesse. Alors que cette découverte a soulevé de nouveaux questionnements dans le domaine académique, la surprise qu’elle a suscitée témoigne a contrario d’un manque de précaution quant aux potentielles conséquences du DES. Au vu de l’apparition du premier perturbateur endocrinien sur le marché avant même la création de l’Europe, et en égard à leur usage toujours permis, qu’attend l’Union européenne pour mettre un terme à la dégradation de la santé de ses citoyens ?
Une ignorance lourde de conséquences
Les partis européens de droite et de centre-droite dénoncent une espèce « d'hystérie idéologique », affirmant « ça va trop loin, ça va trop vite et ça n'est basé sur aucune preuve scientifique ». Cependant, ces députés ignorent, ou feintent d’ignorer la publication du rapport scientifique de Barbara Demeneix en mars 2019, intitulé Les perturbateurs endocriniens : de la preuve scientifique à la prévention de la santé humaine ? La scientifique apporte effectivement de solides preuves particulièrement dignes d’intérêt afin de démontrer la naissance de cancers chez certaines personnes fréquemment en contact avec ces molécules toxiques.
Le 18 avril 2019, le Parlement européen prétend avoir franchi le Rubicon en adoptant une résolution visant à traiter ces produits chimiques de la même manière que les substances cancérigènes, non point en les interdisant, mais en limitant l'exposition des européens à ces substances. Nonobstant, l’ubiquité de ces toxiques molécules n’a nullement décru dans la vie des européens, tant ces citoyens ne sont plus à même d’utiliser quoi que ce soit sans s'exposer à la perturbation de leurs hormones.
Assurément, cela apparaîtrait trop réducteur pour les perturbateurs endocriniens d’attaquer uniquement les corps humains : ces molécules toxico-destructrices abondent dans l’environnement, ayant contaminé différents milieux, donc différents habitats de la faune. Concernant les milieux aquatiques, particulièrement endommagés, de nombreux changement de sexe et troubles du développement sont constatés parmi certaines populations de poissons. Sans aucun doute, ces molécules industrielles participent à l’érosion de la biodiversité. C’est pourquoi le fâcheux refus des députés européens quant à la mise à l’index de ces substances chimiques apparaît préjudiciable pour l’environnement également.
Des vies en jeu
En définitive, au vu des conséquences chaotiques, désastreuses, anéantissantes, provoquées par ces substances mortelles, interdire catégoriquement les perturbateurs endocriniens semblerait être le seul recours à la disposition de l’Europe afin de préserver l’environnement et la santé humaine. Si les décisionnaires de la présence de ces molécules pernicieuses dans nos vies n’abrogent guère leur vivacité létale, ce seront nos propres vies qui s’éteindront.
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